À l’heure où les leaders business se débattent avec les implications des technologies émergentes comme le Métaverse, il est essentiel d’examiner les problèmes philosophiques sous-jacents. Dans cette publication, nous allons explorer le grand problème philosophique du Métaverse et comment le philosophe français Jean-François Lyotard l’aborderait.
Jean-François Lyotard était un philosophe éminent de l’ère postmoderne. Il s’est intéressé à la manière dont les grands récits, ou métarécits, façonnent notre compréhension du monde. Selon lui, ces récits ne sont pas neutres mais reflètent les intérêts et les valeurs des groupes qui les créent. Cette idée a des implications importantes pour le Métaverse, qui promet d’être un nouveau domaine d’expérience et d’interaction.
Approche 1 : Le problème des métarécits dans le Métaverse
L’une des principales contributions philosophiques de Jean-François Lyotard est sa critique des métarécits. Un métarécit est une grande histoire ou un récit global qui cherche à expliquer le monde et notre place dans celui-ci. Ces récits émergent souvent de domaines tels que la religion, la philosophie ou la politique et sont partagés par des groupes de personnes qui partagent des croyances et des valeurs similaires.
Selon Lyotard, les métarécits ne sont pas neutres mais reflètent les intérêts et les valeurs des groupes qui les créent. Cela signifie qu’ils peuvent être suivis pour renforcer les déséquilibres de pouvoir et promouvoir certaines visions du monde tout en marginalisant ou en réduisant au silence les autres. En outre, Lyotard a affirmé que les métarécits reposent souvent sur l’exclusion ou l’effacement de perspectives alternatives, ce qui peut avoir des conséquences néfastes pour les individus et les communautés marginalisés.
En ce qui concerne le Métaverse, nous pouvons nous attendre à l’émergence de nouveaux métarécits qui façonneront la façon dont nous comprenons et interagissons avec ce nouveau domaine. Par exemple, un métarécit pourrait voir le jour et dépeindre le Métaverse comme une utopie où les gens peuvent échapper aux limites du monde physique. Ce récit pourrait conduire à négliger les problèmes du monde réel et à perpétuer les inégalités. À l’inverse, un métarécit pourrait émerger et présenter le Métaverse comme une dystopie ou une menace pour l’autonomie humaine et la vie privée, ce qui entraînerait une réaction brutale contre la technologie et une réticence à s’y engager.
Pour résoudre le problème des métarécits dans le Métaverse, il est essentiel de promouvoir une diversité de voix et de perspectives. Cela signifie qu’il faut s’assurer que les groupes marginalisés ont leur mot à dire dans le développement et la gouvernance du Métaverse et travailler à la création d’espaces où des récits alternatifs peuvent être entendus et amplifiés. Il faut également reconnaître les limites et les préjugés des métarécits et admettre qu’il existe de multiples façons de comprendre et de vivre le monde.
Voici deux exemples de métarécits dans le monde réel :
- Le rêve américain : L’idée que toute personne, quels que soient ses antécédents ou son statut social, peut atteindre le succès et la prospérité en travaillant dur et avec détermination est un métarécit largement partagé aux États-Unis. Toutefois, ses détracteurs affirment que le rêve américain néglige les inégalités systémiques et ne tient pas compte du rôle des privilèges et du pouvoir dans la réussite individuelle.
- Le récit du progrès : La conviction que la société va toujours de l’avant et s’améliore est un métarécit qui trouve ses racines dans l’ère des Lumières. Ce récit a été suivi pour tout justifier, du colonialisme au développement technologique, mais il occulte également les coûts et les conséquences du progrès et peut réduire au silence les perspectives et les critiques alternatives.
Dans le Métaverse, nous devons être vigilants quant à l’émergence de nouveaux métarécits et travailler à la promotion d’une pluralité de voix et de perspectives. Ce faisant, nous pouvons créer un Métaverse plus juste, plus équitable et plus inclusif.
Approche 2 : L’éthique dans le Métaverse
La philosophie de Jean-François Lyotard souligne que les métarécits reflètent les valeurs et les intérêts des groupes qui les créent, et ceci est particulièrement pertinent lorsqu’on considère l’éthique du Métaverse. Alors que le Métaverse évolue et se développe, il est essentiel de considérer les implications éthiques de son développement, de son déploiement et de son utilisation.
Dans le Métaverse, différents acteurs, tels que les entreprises, les gouvernements et les individus, créeront des mondes virtuels en y intégrant leurs propres valeurs et intérêts. Par exemple, une entreprise peut créer un monde virtuel qui privilégie la promotion de ses produits et services au détriment du bien-être de ses utilisateurs. À l’inverse, un gouvernement peut créer un monde virtuel qui promeut une idéologie politique particulière ou un programme politique spécifique.
L’éthique du Métaverse exige que nous considérions les implications de ces choix et les valeurs qui sont intégrées dans les mondes virtuels que nous créons. Nous devons également tenir compte de l’impact de ces mondes virtuels sur les sociétés, les économies et les cultures du monde réel. Il est crucial de s’assurer que le développement du Métaverse s’aligne sur les valeurs de justice, d’égalité et de dignité humaine.
Pour aborder l’éthique du Métaverse, nous devons nous engager dans des conversations et des débats permanents sur les valeurs et les priorités qui guident son développement. Nous devons également tenir compte des droits et des intérêts des utilisateurs et nous assurer que le Métaverse favorise leur bien-être et leur autonomie. Enfin, nous devons tenir ceux qui créent et gouvernent le Métaverse responsables de leurs pratiques et de leurs décisions.
Dans le Métaverse, nous devons être attentifs aux implications éthiques de son développement et de son utilisation. Nous devons veiller à ce que les valeurs et les intérêts inscrits dans les mondes virtuels soient conformes aux valeurs de justice, d’égalité et de dignité humaine. Nous devons également œuvrer à la protection des droits et des intérêts des utilisateurs et veiller à ce que le Métaverse favorise leur bien-être et leur autonomie.
Approche 3 : L’importance de la diversité dans le Métaverse
Jean-François Lyotard a souligné l’importance de la diversité et de la pluralité dans sa philosophie. Selon Lyotard, les métarécits dominants ont historiquement exclu les perspectives alternatives et réduit au silence les voix marginalisées. Cette exclusion a perpétué les inégalités et empêché l’épanouissement de diverses cultures et communautés. Dans le Métaverse, il est essentiel de promouvoir la diversité et la pluralité pour créer un espace plus juste, équitable et inclusif.
Le Métaverse a le potentiel de créer de nouvelles formes d’interaction sociale et d’expression culturelle. Cependant, il peut aussi perpétuer les mêmes exclusions et marginalisations que celles qui existent dans le monde physique. Par exemple, les créateurs de mondes virtuels peuvent, sans le savoir, intégrer des partis pris ou des préjugés dans leurs conceptions, ce qui pourrait limiter les expériences et les opportunités offertes à certains utilisateurs. En outre, le Métaverse pourrait reproduire ou amplifier les déséquilibres de pouvoir du monde réel, ce qui conduirait à une marginalisation accrue de groupes déjà défavorisés.
Pour répondre à l’importance de la diversité dans le Métaverse, nous devons travailler activement à la promotion d’une diversité de voix et de perspectives. Cela implique de créer des mondes virtuels qui reflètent un éventail d’expériences et de cultures et de veiller à ce que les groupes marginalisés aient leur mot à dire dans la création et la gouvernance du Métaverse. Nous devons également reconnaître et remettre en question les partis pris et les préjugés qui sont ancrés dans les mondes virtuels et travailler à la création d’espaces où d’autres perspectives peuvent être entendues et amplifiées.
Voici deux exemples de l’importance de la diversité dans le monde réel :
- La diversité culturelle : La promotion de la diversité culturelle est essentielle pour garantir que les histoires, les langues et les traditions de tous les peuples soient valorisées et respectées. Dans de nombreuses sociétés, les cultures dominantes ont historiquement réduit au silence ou effacé les expériences et les perspectives des cultures minoritaires, ce qui a conduit à la marginalisation et à l’inégalité. En promouvant la diversité culturelle, nous pouvons créer des sociétés plus inclusives et équitables qui célèbrent la richesse de l’expérience humaine.
- Représentation dans les médias : La représentation de voix et de perspectives diverses dans les médias, tels que la télévision, le cinéma et la littérature, est essentielle pour que les histoires de tous soient racontées et entendues. Par le passé, les médias ont souvent perpétué des stéréotypes nuisibles ou exclu complètement certains groupes. En favorisant la représentation, nous pouvons créer des médias plus diversifiés et inclusifs qui reflètent la complexité et la diversité de l’expérience humaine.
Dans le Métaverse, nous devons nous efforcer de promouvoir la diversité et la pluralité afin de créer un espace plus juste, équitable et inclusif. Ce faisant, nous pouvons faire en sorte que le Métaverse reflète les valeurs de justice, d’égalité et de dignité humaine.
Il est de notre responsabilité de considérer les implications philosophiques des technologies émergentes comme le Métaverse. Nous devons nous assurer que les valeurs et les intérêts intégrés dans le Métaverse favorisent le bien commun et les valeurs de justice, d’égalité et de dignité humaine. Nous devons également promouvoir la diversité et la pluralité et veiller à ce que les groupes marginalisés aient voix au chapitre dans la création et la gouvernance du métavers. Ce faisant, nous pouvons créer un Métaverse qui enrichit nos vies et favorise l’épanouissement de tous.
Le Métaverse est une technologie séduisante au potentiel énorme. Toutefois, nous devons l’aborder avec prudence et en tenant compte de ses implications philosophiques sous-jacentes. La philosophie de Jean-François Lyotard nous apporte un éclairage précieux sur les problèmes de métarécits, d’éthique et de diversité dans le Métaverse. En prenant ces idées au sérieux, nous pouvons nous assurer que le Métaverse promeut le bien commun et les valeurs de justice, d’égalité et de dignité humaine.
Références :
- Lyotard, J.-F. (1984). La condition postmoderne : Un rapport sur la connaissance. Manchester University Press.
- Miah, A. (2018). L’éthique du Métaverse. Éthique et technologie de l’information, 20(2), 127-135.
- Pichai, S. (2021, 21 octobre). Sundar Pichai sur l’avenir d’Alphabet, de Google et de tout ce qui se trouve entre les deux [Vidéo]. YouTube.